Le 31 octobre 2024, le gouvernement du Québec a présenté son Plan d’immigration du Québec pour l’année 2025, prévoyant admettre jusqu’à 51 500 personnes pour les admissions régulières et 15 000 personnes détenteurs d’un Certificat de sélection du Québec (CSQ) dans le Programme de l’expérience québécoise (PEQ), volet « Diplômés du Québec » (volet Diplômés).
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L’ACAI accueille favorablement les efforts du gouvernement de respecter les orientations pluriannuelles établies en septembre 2023, notamment en maintenant les cibles d’immigration de 50 000 admissions annuelles pour 2025 et en permettant l’admission continue des candidats à la résidence permanente ayant obtenu un CSQ dans le cadre du PEQ volet Diplômés.
L’ACAI a toutefois des réserves importantes sur les mesures temporaires annoncées visant à contrôler la croissance de l’immigration permanente au Québec, notamment la suspension du PEQ, volet Diplômés, et du Programme régulier des travailleurs qualifiés (PRTQ) ainsi que du programme qui lui succèdera; le Programme de sélection des travailleurs qualifiés (PSTQ).
Programme de l’expérience québécoise, volet Diplômés
Compte tenu de l’augmentation marquée du nombre d’admissions de travailleurs qualifiés dans le cadre du PEQ, volet Diplômés, le gouvernement du Québec a choisi de restreindre temporairement la réception des demandes dans ce programme.
L’ACAI exprime ses réserves quant aux effets de cette suspension, prévue jusqu’au 30 juin 2025 au plus tard, qui engendre une incertitude pour les étudiants internationaux souhaitant planifier leur parcours vers la résidence permanente au Québec à la fin de leurs études.
Raison de l’augmentation marquée du nombre de CSQ délivrés sous le PEQ volet Diplômés
Selon ses prévisions, le ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration du Québec (MIFI) prévoit émettre environ 14 500 CSQ sous le PEQ volet Diplômés pour l’année 2024.
Cette augmentation est significative par rapport aux deux dernières années, avec 1 958 CSQ émis en 2022 et 3 643 en 2023.
L’accroissement rapide du nombre de CSQ délivrés sous ce programme en 2024 s’explique principalement par des changements réglementaires adoptés par le gouvernement du Québec.
Rappelons qu’en juillet 2020, de nouvelles exigences avaient été introduites dans le cadre du PEQ volet Diplômés, incluant notamment une obligation de 12 ou 18 mois d’expérience de travail après les études et une connaissance du français pour les conjoints accompagnateurs. Ces modifications permettaient cependant aux étudiants ayant terminé leurs études avant le 31 décembre 2020 d’obtenir un CSQ sans obligation d’expérience de travail.
À partir du 1er janvier 2021, les étudiants étrangers diplômés devaient donc avoir cumulé au moins une année d’expérience professionnelle pour être éligibles à un CSQ via ce volet du PEQ.
Cette exigence a été levée en novembre 2023, permettant ainsi aux diplômés admissibles de soumettre leur demande de CSQ sans expérience de travail, à condition qu’ils respectent toutes les autres exigences du programme.
Par l’effet de ce changement de politique, les étudiants diplômés entre janvier 2021 et novembre 2023 sont soudainement tous devenus éligibles au PEQ, volet Diplômés, ce qui a naturellement conduit à un afflux de demandes en 2024, portant le nombre de CSQ émis à environ 14 500 pour l’année.
Suspension du programme
Avec 14 500 CSQ prévus pour 2024, on peut raisonnablement s’attendre à ce que près de 15 000 personnes soient admises en tant que résidents permanents sous le volet Diplômés du PEQ en 2025.
Afin de contrôler le nombre de personnes admises en 2025, le gouvernement du Québec a décidé de suspendre temporairement le programme du 31 octobre 2024 jusqu’au 30 juin 2025 au plus tard.
D’entrée de jeu, l’ACAI déplore l’absence de préavis, de délai pour permettre aux étudiants internationaux admissibles au PEQ volet Diplômés de présenter leur demande ou d’autres mesures transitoires. De surcroit, l’ACAI exprime des doutes quant à l’efficacité de cette suspension temporaire.
Le Plan d’immigration 2025 prévoit la sélection d’un maximum de 5,700 personnes par le biais du PEQ volet Diplômés.
Or, la suspension temporaire du programme ne fait que reporter les admissions des étudiants diplômés. En rouvrant le programme en juillet 2025, dans la mesure où les conditions de sélection demeurent inchangées, on peut s’attendre à une hausse fulgurante du nombre de demandes qui seront déposées dans les jours suivant la réouverture du programme ce qui fera grimper le nombre de candidats au-delà des cibles d’immigration visées par le gouvernement du Québec.
Conséquemment, l’ACAI s’interroge sur la faisabilité de l’objectif de 5 700 sélections pour 2025 considérant les moyens choisis par le gouvernement pour y parvenir.
L’imposition sans préavis de cette suspension provoque également de l’incertitude chez les étudiants internationaux. Ceux-ci peuvent légitimement être préoccupés par l’instabilité des programmes d’immigration du Québec et se voir désormais dans l’impossibilité pour prévoir leur parcours d’étude et d’immigration au Québec.
Au minimum, l’ACAI recommande que le gouvernement du Québec précise dès que possible si les critères de sélection permanente du PEQ volet Diplômés resteront inchangés ou s’ils seront modifiés à la réouverture du programme.
Impact de la suspension du PEQ volet Diplômés sur l’attractivité du Québec pour les étudiants internationaux
L’ACAI exprime ses préoccupations quant à l’impact de l’incertitude causé par cette suspension sur la population étudiante et, plus largement, sur l’attractivité du Québec en tant que destination de choix pour les étudiants internationaux francophones.
Depuis plusieurs années, le gouvernement du Québec reconnaît l’importance des étudiants étrangers et a lancé plusieurs initiatives pour renforcer son attractivité. Citons, par exemple, les subventions accordées à Montréal International et Québec International pour attirer et retenir les étudiants internationaux francophones, ainsi que l’exemption des frais de scolarité supplémentaires pour les étudiants étrangers qui choisissent de poursuivre leurs études en français et en région.
L’ACAI estime que l’instabilité dans les programmes d’immigration liés aux étudiants incluant la récente suspension du PEQ volet Diplômés nuit à l’attractivité du Québec sur la scène internationale et engendrent un climat d’incertitude parmi les étudiants étrangers.
Afin de s’assurer que le Québec demeure un choix attractif pour les étudiants les plus talentueux de la francophonie, l’ACAI recommande que le gouvernement soit plus transparent. Notamment, le gouvernement du Québec devrait s’assurer que les étudiants étrangers visés par un changement à une politique d’immigration permanente puissent bénéficier d’un préavis ou de mesures transitoires pour les étudiants se trouvant déjà au Québec lors de l’entrée en vigueur des changements.
Étudiants diplômés d’un programme en anglais
Enfin, rappelons que la réforme du PEQ volet Diplômés, introduite en novembre 2023, exige désormais que le programme d’études admissible ait été suivi en français au Québec ou que le demandeur ait réussi au moins trois années d’études secondaires ou postsecondaires en français à temps plein.
Cette exigence allait entrer en vigueur le 23 novembre 2024 et de nombreux étudiants diplômés d’un programme admissible effectué en anglais disposaient jusqu’au 22 novembre 2024 pour soumettre une demande de CSQ dans le cadre du PEQ volet Diplômés, à condition de satisfaire au critère de connaissance du français.
La suspension du programme dès le 31 octobre 2024 prive de nombreux diplômés de la possibilité de déposer leur demande de CSQ, malgré leurs efforts au cours de la dernière année pour apprendre le français et se conformer aux exigences.
De plus, ces diplômés se retrouveront dans l’impossibilité de déposer leur demande de CSQ sous le PEQ volet Diplômés à la reprise du programme en 2025, puisque les nouvelles exigences auront pris effet entre-temps.
Encore une fois, l’ACAI dénonce le manque de transparence et l’absence de mesures transitoires. L’ACAI propose donc que le gouvernement du Québec mette en place des mesures transitoires pour ces diplômés, afin de leur permettre de soumettre leur demande de CSQ selon les critères applicables à la suspension du programme.
Suspension des invitations pour le PRTQ/PSTQ
Le Plan d’immigration 2025 prévoit la sélection d’environ 29,000 travailleurs qualifiés en 2024 et d’environ 25,800 en 2025, soit une réduction de 3,200 personnes sélectionnées. Ces sélections se répartiront principalement entre le PEQ volet Travailleurs étrangers temporaires (volet TET) et le PRTQ/PSTQ.
En ce qui concerne le PRTQ/PSTQ, rappelons que le MIFI contrôle les invitations pour le programme, imposant des critères tels que la maîtrise du français, une condition introduite en mai 2023.
Puisque la hausse des sélections de travailleurs qualifiés résulte principalement de l’augmentation des demandes de CSQ sous le PEQ volet Diplômés, l’ACAI questionne la pertinence de suspendre simultanément le PRTQ/PSTQ et le PEQ volet Diplômés.
La suspension du PRTQ/PSTQ risque de placer plusieurs candidats francophones de qualité, déjà établis au Québec et bénéficiant d’un statut temporaire, dans une situation précaire. Cela inclut les travailleurs étrangers temporaires, pour lesquels le Québec a facilité l’obtention d’un permis de travail, de même que les étudiants diplômés non admissibles au PEQ volet Diplômés.
Travailleurs étrangers temporaires
En août 2021, le gouvernement du Québec avait demandé au gouvernement du Canada de s’assouplir les critères d’éligibilité au Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET), incluant des exemptions de démonstration des efforts de recrutement pour certaines professions peu ou pas spécialisées, ainsi que l’ajout de certaines professions peu spécialisées au traitement simplifié du Québec.
Ces assouplissements ont facilité l’arrivée de travailleurs étrangers pour répondre aux besoins pressants du marché du travail du Québec. Souvent employés dans des postes faiblement rémunérés, ces travailleurs sont particulièrement vulnérables en raison de leur statut précaire et de leur permis de travail qui les limite à un seul employeur et à une profession spécifique.
Avec des permis de travail valides pour une durée maximale de 2 à 3 ans, nombre de ces travailleurs verront leur statut expirer cette année ou l’année prochaine, sans possibilité de prolongation en raison des récentes restrictions au PTET annoncées par le gouvernement du Canada.
Ces travailleurs, dont les postes sont classés en catégories FÉER 4 ou 5, n’ont pas accès au PEQ volet TET, et ainsi le PRTQ/PSTQ représentait pour eux la seule voie vers la résidence permanente au Québec.
L’ACAI exprime donc de vives préoccupations quant aux conséquences de la suspension du PRTQ/PSTQ pour ces travailleurs vulnérables. Sans accès au PRTQ/PSTQ, ils se retrouvent dans une situation de précarité accrue, alors même qu’ils occupent des emplois où le Québec reconnait que la main-d’œuvre est en pénurie.
Au lieu de suspendre le PRTQ/PSTQ, l’ACAI propose que le gouvernement permette aux personnes déjà à l’emploi au Québec et disposant d’une offre d’emploi permanente de pouvoir poursuivre leur parcours d’immigration par l’entremise du PRTQ/PSTQ.
L’ACAI souhaite rappeler le fait que le PSTQ, qui entrera en vigueur le 29 novembre 2024, prévoit un volet spécifique pour des candidats occupant une profession exigeant des compétences intermédiaires et manuelles avec au moins une année de l’expérience au Québec.
Ces personnes sont déjà intégrées au Québec, occupent des emplois en pénurie de main-d’œuvre et contribuent de manière tangible à l’économie du Québec et à la vitalité de ses régions.
Étudiants diplômés du Québec
En plus des travailleurs étrangers temporaires, la suspension des invitations au PRTQ/PSTQ touche également de nombreux étudiants récemment diplômés de programmes non admissibles au PEQ volet Diplômés.
Par exemple, les détenteurs d’une Attestation d’études collégiales (AEC), d’un Diplôme d’études professionnelles (DEP) de moins de 1,800 heures ou d’un Diplôme d’études supérieures spécialisées (DESS) peuvent obtenir un permis de travail post-diplôme (PTPD), mais ne sont pas éligibles au PEQ volet Diplômés.
La majorité de ces diplômés reçoivent un PTPD d’une durée inférieure à deux ans, ce qui les empêche de cumuler deux ans de travail à temps plein requis pour se qualifier au PEQ, volet TET.
La suspension du PRTQ/PSTQ place donc ces diplômés dans une situation de précarité, car ils n’ont souvent aucune autre option pour accéder à la résidence permanente au Québec.
Prenons l’exemple d’une éducatrice de la petite enfance ayant obtenu un AEC en Techniques d’éducation à l’enfance et travaillant dans un CPE. Avec un PTPD de moins de deux ans, elle n’aura pas le temps de se qualifier au PEQ volet TET sans un renouvellement de son permis de travail.
Le PRTQ/PSTQ aurait pu lui offrir un chemin vers la résidence permanente, sous réserve de satisfaire aux critères d’invitation et de sélection. La suspension du PRTQ/PSTQ jusqu’en juin prochain laissera cette personne et bien d’autres dans des situations similaires dans une situation précaire, surtout si leurs permis de travail arriveront à échéance prochainement.
Pour ces raisons, l’ACAI propose que le gouvernement permette aux personnes déjà à l’emploi au Québec et disposant d’une offre d’emploi permanente de pouvoir poursuivre leur parcours d’immigration par l’entremise du PRTQ/PSTQ.
Conclusion
En conclusion, l’annonce par le gouvernement du Québec de suspendre temporairement les demandes sous le PEQ volet Diplômés et le PRTQ/PSTQ suscite de vives préoccupations au sein de l’ACAI.
Bien que l’on constate la légitimité de l’intention du gouvernement de contrôler les niveaux d’immigration permanente au Québec, l’ACAI estime que le gouvernement du Québec a choisi une approche inefficace qui ne considère pas l’impact ultime des mesures sur le nombre total de ressortissants étranger au Québec. De plus, l’approche choisie ne considère pas les impacts sur les personnes et les entreprises qui seront directement touchées par les suspensions annoncées.
Les résidents temporaires sont déjà intégrés dans la société québécoise, contribuent activement à l’économie et constituent des candidats de choix pour la résidence permanente.
La suspension des programmes ne contribuera qu’à réduire les admissions en 2026. Entre-temps, de nombreux résidents temporaires risquent de perdre leur statut, compromettant leur intégration et créant des difficultés pour les employeurs québécois qui dépendent de leur présence.