6 avril 2022
Cher Ministre Fraser,
L’Association Canadienne des Avocats en Immigration (ACAI) félicite Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) pour sa réponse rapide face à la crise en Ukraine. L’ACAI applaudit IRCC d’avoir introduit l’Autorisation de Voyage d’Urgence Canada-Ukraine (AVUCU) et le permis de travail ouvert de trois ans, parmi d’autres mesures visant à aider les Ukrainiens durant ces temps difficiles.
Le but de cette lettre est de fournir une suggestion qui, selon l’ACAI, permettrait au Canada d’accueillir ces Ukrainiens plus rapidement. Notre suggestion serait qu’IRCC puisse délivrer des visas d’entrée simples sans vignette aux demandeurs de Visa de Résidence Temporaire (VRT) souhaitant entrer au Canada via l’AVUCU.
Arriérés actuels pour l’AVUCU
Comme indiqué sur le site web d’IRCC, votre ministère a reçu quelque 91 200 demandes d’AVUCU entre le 17 mars et le 1er avril, mais n’a approuvé que 14 500 demandes. Cela équivaut à plus de 6 000 nouvelles demandes soumises par jour, alors que seulement 1 000 demandes sont approuvées par jour. Au rythme actuel, un Ukrainien qui soumet sa demande aujourd’hui devrait attendre environ 75 jours avant que sa demande puisse être approuvée, ce qui dépasserait largement la norme de service annoncée par IRCC de 14 jours. Nous apprécions le fait qu’IRCC déploie plus de personnel sur le terrain et augmente sa capacité pour la collecte des données biométriques, mais il semble peu probable que cela suffise pour atteindre la norme de service annoncée par IRCC étant donné le retard qui s’est déjà accumulé depuis le lancement de l’AVUCU.
L’accélération du processus de demande d’AVUCU est essentielle pour de nombreuses raisons, notamment pour le bien-être mental et physique de ceux qui cherchent à venir au Canada, pour alléger le fardeau de nos alliés de l’OTAN en Europe qui ont déjà accueilli 3 millions de migrants, et pour les nombreux membres de la famille et employeurs canadiens qui attendent d’être réunis avec leur famille ou d’offrir des emplois aux Ukrainiens.
Défis rencontrés avec le processus de VRT
Les Ukrainiens rencontrent d’importantes difficultés dans le cadre de l’envoi de leurs passeports aux Centres de Réception des Demandes de Visa (CRDV) afin que le VRT puisse être apposé sur leur passeport. Les demandeurs qui décident d’apporter leur passeport en personne à un CRDV font face à de longues files d’attente et sont souvent incapables d’entrer dans le CRDV. Beaucoup ont rapporté avoir été refusés après avoir parcouru de longues distances et après avoir fait la queue pendant des heures, ce qui ajoute au stress émotionnel et au traumatisme qu’ils ont déjà enduré.
De nombreux requérants ont décidé, à contrecœur, d’envoyer leur passeport par la poste et espèrent que ce document ne soit pas perdu. Le stress qu’ils subissent est aggravé par le manque de clarté des instructions qu’ils reçoivent souvent des CRDVs sur des questions telles que la façon dont ils doivent payer les frais requis ou le formulaire de CRDV à remplir. Ce processus est non seulement épuisant sur le plan émotionnel pour les Ukrainiens, mais constitue aussi une perte de temps, car il entraîne des retards supplémentaires dans la réception de leurs VRTs afin qu’ils puissent enfin se rendre au Canada.
La délivrance de visas à entrée unique sans vignette aux Ukrainiens pourrait concrètement remédier à ce problème.
Soutien juridique pour les VRT à entrée unique sans vignette
Bien qu’un VRT prenne généralement la forme d’une vignette officielle placée dans le passeport d’une personne et délivrée par les missions canadiennes à l’étranger, la Loi sur l’Immigration et la Protection des Réfugiés (LIPR) et le Règlement sur l’Immigration et la Protection des Réfugiés (RIPR) n’imposent pas de format spécifique pour la délivrance d’un VRT. Le paragraphe 11(1) de la LIPR fournit une description générale d’un document d’admission, en utilisant l’expression « visa et autres documents requis par règlements ». Ni la LIPR ni le RIPR ne précisent le format d’un VRT. Cela donne à IRCC la possibilité d’être flexible sur le format des VRTs pendant cette crise.
IRCC a le pouvoir de délivrer par voie électronique un document qui constituerait le VRT d’un demandeur. Ce faisant, IRCC demeurerait conforme à ses propres lois et règlements. Cette option pourrait être mise en œuvre rapidement, puisqu’elle ne nécessiterait pas de vote à la Chambre des communes ni de modification du RIPR, alors qu’un tel processus serait nécessaire afin d’ajouter l’Ukraine à la liste canadienne des pays exemptés de VRT.
Utilisation antérieure de VRT à entrée unique sans vignette par IRCC
IRCC a déjà délivré des visas sans vignette dans des situations similaires. Dans son document Politiques d’Intérêt Public et Mesures de Facilitation pour les Travailleurs Temporaires, mis à jour pour la dernière fois le 4 mars 2021, IRCC décrit les différentes mesures de facilitation prises antérieurement pendant la pandémie de COVID-19 pour accommoder les travailleurs temporaires. L’une de ces mesures a consisté à délivrer des visas sans vignette aux demandeurs dans les situations où une vignette ne pouvait pas être apposé sur un passeport (par exemple, en raison de la fermeture des CRDVs). Quelques 11 190 visas sans vignette ont été délivrés à des demandeurs touchés par la pandémie de COVID-19 en date du 30 octobre 2020. De plus, nous comprenons que certains bureaux d’IRCC (par exemple, IRCC Manille et IRCC Sydney, en Nouvelle-Écosse) ont également leur propre processus de délivrance de visas sans vignette.
L’application de cette même mesure de facilitation aux demandeurs de VRT dans le cadre de l’AVUCU réduirait considérablement le fardeau des demandeurs en éliminant l’un des goulots d’étranglement actuels qu’ils doivent surmonter. Cela allégerait également la pression sur IRCC, Affaires Mondiales Canada et VFS Global sans compromettre les normes de sécurité du Canada.
En fait, les Mesures de Facilitation d’IRCC soulignent les avantages suivants de l’utilisation de VRT à entrée unique sans vignette:
- Économise de temps/ressources nécessaires dans l’impression des visas au sein des missions à l’étranger.
- Réduit l’utilisation des vignettes officielles et la manipulation des passeports/documents physiques pendant la pandémie.
- Peut-être fait au Canada par le CORR.
Inspection et administration du VRT à entrée unique sans vignette
IRCC est peut-être préoccupé par la possibilité de falsifier un visa à entrée unique sans vignette ou par la capacité des compagnies aériennes à effectuer des vérifications avant l’embarquement sans vignette. Cette préoccupation a été atténuée par la capacité démontrée de l’ASFC au cours des deux dernières années à travailler avec les compagnies aériennes pour effectuer les vérifications avant l’embarquement afin de déterminer si les passagers sont autorisés à voyager au Canada.
En effet, au cours de la pandémie, IRCC et l’ASFC se sont fortement appuyés sur l’industrie aérienne afin d’interpréter des restrictions de voyage complexes en constante évolution. Les lignes de communication avec les compagnies aériennes sont déjà bien établies en raison de la pandémie. Les compagnies aériennes ont également accès à des agents de liaison de l’ASFC qui peuvent les aider lorsque le personnel des compagnies aériennes n’est pas certain de la validité des documents d’un voyageur. Le risque de fraude est minime par rapport aux principaux avantages potentiels majeurs de la mise en œuvre de ce changement.
Le risque de fraude serait encore diminué en communiquant clairement les conséquences d’une tentative d’entrée frauduleuse au Canada, soit la possibilité d’être accusé d’une infraction, sanctionné pour fausse déclaration et d’être expulsé du Canada.
Conclusion
L’ACAI apprécie les efforts déployés par IRCC et ses partenaires du gouvernement fédéral dans l’exécution de cet effort majeur dans un environnement opérationnel difficile. Nous pensons que l’application de notre suggestion sur le terrain simplifiera le processus, permettant ainsi à IRCC d’atteindre sa norme de service annoncée de 14 jours dans le cadre de l’AVUCU et de permettre à des dizaines de milliers d’Ukrainiens d’être en sécurité dans un avenir proche. Cela aidera le Canada à remplir son devoir envers ses alliés de l’OTAN, qui ont besoin d’aide pour faire face à la crise engendrée par la guerre de la Russie en Ukraine. De notre point de vue, nous pensons également que les risques pour la sécurité du Canada, dans l’éventualité où un programme de VRT à entrée unique sans vignette était déployé, ne seraient pas plus grands que les risques actuellement assumés par le Canada avec l’AVUCU dans sa forme actuelle.
L’ACAI se réjouit de l’occasion de pouvoir discuter de cela et d’autres suggestions visant à aider les Ukrainiens dès que possible.
Sincèrement,
Betsy Kane
Barbara Jo Caruso
Chris Veerman
Nathan Po
Nicolas Simard-Lafontaine
Ravi Jain
Vance Langford